Peut-on se fier à son intuition ?

Nous avons tous déjà ressenti ce petit « feeling » qui nous souffle la marche à suivre, sans qu’aucune explication rationnelle ne nous vienne à l’esprit.
Est-ce un « sixième sens », une somme d’expériences passées ou simplement un éclair de génie ?
Dans cet article, nous allons explorer les avantages et les limites de ce ressenti, et découvrir dans quelles situations on peut se fier à notre intuition, et quand il vaut mieux prendre un peu plus de temps pour se poser et réfléchir.
Les avantages de l’intuition
Eh bien oui, on ne se demanderait pas si on peut s’y fier si on ne trouvait pas un avantage à y recourir. Et l’intuition en a plusieurs à son actif.
Gagner du temps
Le plus gros atout de l’intuition, c’est la rapidité. Pas besoin de passer des heures à peser le pour et le contre : un « déclic » nous oriente quasi instantanément vers une direction. Cette réactivité peut s’avérer salvatrice quand le temps presse, ou lorsqu’on fait face à des décisions répétitives.
Gagner en créativité
L’intuition permet d’accéder à des idées et des solutions inédites en dehors de nos chemins logiques habituels. En s’émancipant de nos raisonnements analytiques conscients, elle crée des connexions nouvelles, nourries par l’expérience et la mémoire implicite.
Surmonter l’excès de réflexion
Trop d’analyses peuvent parfois paralyser la prise de décision. Dans des environnements complexes ou aux données contradictoires, l’intuition permet de sortir de cette spirale. Elle propose ainsi une réponse plus directe.
Mais l’intuition est rarement parfaite et peut dans de nombreux cas nous pousser dans la mauvaise direction.
Les limites de l’intuition
Les biais cognitifs
On l’a déjà vu dans l’article sur la prise de décisions : notre cerveau adore prendre des raccourcis. Sans vigilance, l’intuition peut être complètement biaisée par le contexte ou notre vécu.
Résultat : on croit avoir raison parce qu’« on le sent », alors qu’on se trompe lourdement.
Un domaine inconnu
Quand nous sommes novices dans un domaine, nous n’avons pas l’historique suffisant pour nourrir une intuition fiable. Par exemple, foncer tête baissée sur un investissement boursier parce qu’« on le sent bien » alors qu’on n’a absolument aucune expérience, c’est un coup à perdre son argent très rapidement.
Les émotions
Confondre intuition et pulsion est un classique. Une intuition vient souvent d’une expertise ou d’un ressenti basé sur de multiples données passées. Une pulsion est souvent liée à une émotion forte (peur, excitation, pression sociale, etc.). Si nous prenons une grande décision en plein stress ou dans l’euphorie, il y a de fortes chances que cette « intuition » ne soit qu’un tour joué par nos émotions.
Mais malgré ces pièges, il y a des situations dans lesquelles elle s’avère précieuse.
Alors, comment savoir concrètement quand on peut se fier à notre intuition ?
Quand l’intuition fonctionne
Il existe trois éléments importants pour savoir quand se fier à notre intuition :
Une grande expérience dans le domaine
C’est la base de notre intuition, le socle sur lequel elle se développe.
Si nous n’avons aucune expérience dans le domaine, nous n’avons littéralement aucune information pour nous aiguiller.
Imaginez-vous sur un bateau, au milieu de l’océan, sans appareil ni terre en vue, et surtout, sans aucune connaissance de navigation. Vous avez extrêmement peu de chances d’aller dans la bonne direction.
Voilà à quoi ressemble notre intuition dans un nouveau domaine.
Notre cerveau nécessite des centaines, voire des milliers d’expériences pour conceptualiser et conscientiser tout un tas d’informations plus ou moins abstraites.
Et c’est ensuite sur cette base de données qu’il pourra faire de la reconnaissance de schémas. Et souffler une direction lorsque nous serons confronté à une situation similaire.
Des feedbacks rapides et fiables
Pour que notre intuition se développe dans le bon sens, il ne suffit malheureusement pas que d’engranger beaucoup d’expérience. Il nous faut aussi un retour sur cette expérience, et idéalement le plus rapide et correct possible.
Si le retour arrive 1 an plus tard, il y a 1001 facteurs qui auraient pu agir sur le résultat entre temps. Il est alors impossible de savoir si notre décision initiale était la bonne ou non. Et si le retour n’est pas correct, pas besoin de vous faire un dessin, aucune chance de pouvoir s’améliorer.
Il nous faut donc le moins d’interférence et le moins de temps possible entre notre décision et son résultat.
Un environnement stable et prédictible
Dernier facteur à prendre en compte pour développer notre intuition, notre environnement doit être stable.
Si les décisions que nous prenons sont justes à un instant donné, mais que tout ce sur quoi nous nous basons est en changement constant, les données sur lesquelles s’appuient notre cerveau perdent toute leur pertinence.
Une bonne intuition concernant le business aux Etats-Unis pourrait s’avérer catastrophique en Chine par exemple. Les deux environnements n’ont absolument rien à voir et ne répondent pas du tout aux mêmes règles, aux mêmes traditions ou à la même culture.
Peut-on se fier à son intuition ?
La réponse, vous l’aurez compris : ça dépend.
Ça dépend des trois facteurs que l’on a vus juste au-dessus et du curseur que vous pouvez placer sur chacun.
Pour un grand maître aux échecs, il est tout à fait raisonnable de se fier à son intuition.
– Il aura accumulé des milliers et des milliers de parties
– Son feedback est quasiment immédiat : après quelques coups grand maximum il peut savoir si sa décision était juste ou non et s’il en sort avec une position gagnante ou perdante
– Son environnement est extrêmement stable : ce sont toujours les mêmes règles, les mêmes pièces, les mêmes positions de départ
Pour une personne qui fait du recrutement par exemple, c’est déjà plus compliqué.
– A moins d’être dans une très grosse société (et encore), elle ne recrute qu’une poignée de personnes par an
– Son feedback est relativement long et influencé par plein de paramètres (type de poste, le management, changement dans la vie privée….). Et elle n’a pas une vision complète sur ses choix. Elle ne saura jamais comment les personnes qu’elle n’a pas engagées aurait évolué. Sans compter ses biais qui peuvent mettre en avant ses réussites toujours présentes dans l’entreprise et oublier toutes les personnes qui ont vu leur période d’essai interrompue et qu’elle n’aura jamais revues.
– Son environnement est loin d’être stable : Elle peut changer de société, les conditions de marché peuvent évoluer, les compétences et les outils peuvent changer.
Dans ce cas-là, il semble judicieux de ne pas se fier à 100% à son intuition et de s’aider d’informations et/ou outils plus concrets et objectifs pour prendre une décision éclairée.
Conclusion
L’intuition ne remplace pas la réflexion, elle la complète. Quand notre instinct nous parle, écoutons-le, mais prenons aussi quelques minutes pour vérifier si nous ne sommes pas simplement en train de tomber dans un de nos biais.
Et pour les décisions les plus importantes, pour mettre toutes les chances de votre côté de prendre la meilleure décision, je vous recommande de lire : « Prendre de meilleures décisions : le guide ultime ».